Poemas en francés
Traducciones de Nicole Cage-Florentiny
Testament du Père (Testamento del Padre)
Papa est parti de la maison
Et je me suis rendu compte que manger des épinards
Ne me rendrait pas plus fort
Tout n’avait été que tromperie
J’ai cessé de croire aux histoires pour enfants
Je me suis fais vieux et solitaire
Et chaque jour s’achevait noyé dans des labyrinthes d’eau
La rue seule resplendissait de mystère
Et m’offrait ses potions dans des récipients épuisés
Je ne me rappelle plus rien de ce que je pensais
En ce temps-là
Mais chaque coup d’aile de la pluie
Chaque pensée de l’aube
Chaque paradis captif de l’oreiller
Chaque grêle chaque insecte chaque vague brève répétait ton nom
Tout ce que j’appelais te nommait
Le vent a emporté mon Père loin
Et dans le patio il a laissé
Ton nom partout
Page ineffaçable (pagina imborrable)
Ton corps est une page
Seulement une page
Mais mes doigts t’effleurent
Et frémissent
De cette manière me viennent les mots
Mais je ne les écris pas
Je ne les dis pas
Je les écoute seulement dans mon regard
Jamais je ne saurai ce qu’est un poème
Je recherche sans doute les secrets d’un ange
Ou la raison de l’entêtement de l’hiver
Peut-être découvrirai-je le parfum de l’oubli
Ou de combien de violons se compose la mort
Mais le poème est chose impénétrable
J’ai coutume d’agoniser après chaque baiser
Je suis une barque qui se noie en elle-même
Personne ne m’utilise pour s’abriter des averses
Je parcours le monde avec quelques vers
Et une page rayonnante :
Ton corps
Base
Nous n’avons pas mis de drapeaux
Au lieu par nous découvert
Pour nous faire amants
Nous nous sommes aimés simplement
Sans que personne ne parvienne
A envahir
Cette île
Illégale
Solaire (Solar)
Et c’était un petit paradis
Où riait le maïs et chantaient les plates-bandes
Où il y avait une grotte stellaire d’argile et de basilic
Où nous pleurions de nous voir nus
Brillant des éclaboussures de lumière
Dont la lune nous habillait
Où la porte faisait crac et tombait
Et tu disais je t’aime et je tombais
Et nous nous aimions et le ciel
Tombait
Berceuse (Cuna)
I
L’histoire ne cesse de se répéter :
Mon cœur vaut-il tant
Tant qu’il faudra le voir détruit
Ainsi qu’un animal mort ?
Comme un animal dépecé auquel les sacrificateurs cherchent
-avec une chancelante efficience-
Une respiration artificielle ?
II
Je n’ai même pas savouré le bonheur d’être allaité
Je ne sais quelle est cette substance qui coule dans mes veines
C'est-à-dire : j’ignore
-exactement-
Quelle sorte de poison
III
J’ai grandi dans le lunatique creux de lumière qui flambait dans un cloître
Sans religion aucune
J’ai grandi dans l’obscure souillure de solitude d’un cachot
Où je n’avais d’autre tâche que d’en soutenir les barreaux
Un père une mère quatre frères une grand-mère un grand-père et des gens des gens des gens
Et personne
Personne
Et rien
IV
Je n’avais que mes souliers à aimer
Avec eux je parlais des jolies fiancées
Qui me lançaient des baisers venus de bien plus loin que la fange
V
Maintenant
J’ai des enfants
Et chacun d’entre eux possède une raison légitime de me mépriser
Torogoz[1]
I
Il émancipe les oreilles de l’aube.
Lui, subtile boussole.
Lui, mandoline de liberté.
Il me fait respirer en gouttes sublimes.
Il est totalement mien, il est mien.
Il écrit son poème dans le brouillard et je l’attrape
Avec ma solitude.
II
L’œil est une encyclopédie,
Un bistouri macabre.
Le regard,
L’énigme.
L’œil pleure
Pas à torrents ni à chaudes larmes.
Ce n’est rien qu’un enfantement que nul n’accueille
III
Lui, cesse de chanter.
Il m’a vu.
Et je tremble, comme un oiseau.
Jeux d’aujourd’hui
J’ouvre la porte qui livre
Passage à la rue
Un homme fait un pas
Mais au pas suivant il cesse d’être un homme
Il est une flaque de sang
La rue est une morgue
Les enfants sont des vers abandonnés parmi les ordures
Où s’en va ma petite voisine avec son sexe dans la main ?
Quelle est cette mer qui s’agite dans les berceaux
Quelle est cette pluie
Qui grimpe
Jusqu’au faîte des arbres ?
La faim a dévoré tous les chiens
Dans les parcs les bancs sont des panneaux publicitaires
Quel est ce ciel qui engendre des projectiles
Quelle est cette race qui se nourrit de chagrins ?
Les mots enroulés dans des linceuls
Les taureaux sans leurs femelles
Les collines avec la poitrine de chair vive
La musique devenue cirque et pierre noire
Tirs et courses
Explosions et veines éclatées
Un gosse pleure oublié dans une fosse
Le cimetière immense
La vie
Aveugle
Le soleil brille au crépuscule comme une étoile morte
Moi j’écris
Survivre ne vaut plus la peine
Dans les écoles les carreaux chantent
Ceux qui furent des enfants
Sont aujourd’hui des déchets enduits de fumier
Maison 6 (Casa 6)
Pour Rocio Bolaños, finalement
Personne ne frappe à la porte de ma maison
Les papillons entrent en silence
Dans une sorte de danse de femme émue
La pluie pénètre jusqu’aux racines des arbres
Parfois
Les enfants appuient sur la sonnette
Et s’enfuient
J’aimerais que quelqu’un
Un soir
-fuyant le monde-
Abatte la porte de ma maison
Il serait doux de partager
Une si âpre solitude
[1] Le Torogoz, oiseau national de El Salvador est un magnifique oiseau au plumage polychrome dont le nom est l’onomatopée du chant : « toro-goz, toro-goz »
Testament du Père (Testamento del Padre)
Papa est parti de la maison
Et je me suis rendu compte que manger des épinards
Ne me rendrait pas plus fort
Tout n’avait été que tromperie
J’ai cessé de croire aux histoires pour enfants
Je me suis fais vieux et solitaire
Et chaque jour s’achevait noyé dans des labyrinthes d’eau
La rue seule resplendissait de mystère
Et m’offrait ses potions dans des récipients épuisés
Je ne me rappelle plus rien de ce que je pensais
En ce temps-là
Mais chaque coup d’aile de la pluie
Chaque pensée de l’aube
Chaque paradis captif de l’oreiller
Chaque grêle chaque insecte chaque vague brève répétait ton nom
Tout ce que j’appelais te nommait
Le vent a emporté mon Père loin
Et dans le patio il a laissé
Ton nom partout
Page ineffaçable (pagina imborrable)
Ton corps est une page
Seulement une page
Mais mes doigts t’effleurent
Et frémissent
De cette manière me viennent les mots
Mais je ne les écris pas
Je ne les dis pas
Je les écoute seulement dans mon regard
Jamais je ne saurai ce qu’est un poème
Je recherche sans doute les secrets d’un ange
Ou la raison de l’entêtement de l’hiver
Peut-être découvrirai-je le parfum de l’oubli
Ou de combien de violons se compose la mort
Mais le poème est chose impénétrable
J’ai coutume d’agoniser après chaque baiser
Je suis une barque qui se noie en elle-même
Personne ne m’utilise pour s’abriter des averses
Je parcours le monde avec quelques vers
Et une page rayonnante :
Ton corps
Base
Nous n’avons pas mis de drapeaux
Au lieu par nous découvert
Pour nous faire amants
Nous nous sommes aimés simplement
Sans que personne ne parvienne
A envahir
Cette île
Illégale
Solaire (Solar)
Et c’était un petit paradis
Où riait le maïs et chantaient les plates-bandes
Où il y avait une grotte stellaire d’argile et de basilic
Où nous pleurions de nous voir nus
Brillant des éclaboussures de lumière
Dont la lune nous habillait
Où la porte faisait crac et tombait
Et tu disais je t’aime et je tombais
Et nous nous aimions et le ciel
Tombait
Berceuse (Cuna)
I
L’histoire ne cesse de se répéter :
Mon cœur vaut-il tant
Tant qu’il faudra le voir détruit
Ainsi qu’un animal mort ?
Comme un animal dépecé auquel les sacrificateurs cherchent
-avec une chancelante efficience-
Une respiration artificielle ?
II
Je n’ai même pas savouré le bonheur d’être allaité
Je ne sais quelle est cette substance qui coule dans mes veines
C'est-à-dire : j’ignore
-exactement-
Quelle sorte de poison
III
J’ai grandi dans le lunatique creux de lumière qui flambait dans un cloître
Sans religion aucune
J’ai grandi dans l’obscure souillure de solitude d’un cachot
Où je n’avais d’autre tâche que d’en soutenir les barreaux
Un père une mère quatre frères une grand-mère un grand-père et des gens des gens des gens
Et personne
Personne
Et rien
IV
Je n’avais que mes souliers à aimer
Avec eux je parlais des jolies fiancées
Qui me lançaient des baisers venus de bien plus loin que la fange
V
Maintenant
J’ai des enfants
Et chacun d’entre eux possède une raison légitime de me mépriser
Torogoz[1]
I
Il émancipe les oreilles de l’aube.
Lui, subtile boussole.
Lui, mandoline de liberté.
Il me fait respirer en gouttes sublimes.
Il est totalement mien, il est mien.
Il écrit son poème dans le brouillard et je l’attrape
Avec ma solitude.
II
L’œil est une encyclopédie,
Un bistouri macabre.
Le regard,
L’énigme.
L’œil pleure
Pas à torrents ni à chaudes larmes.
Ce n’est rien qu’un enfantement que nul n’accueille
III
Lui, cesse de chanter.
Il m’a vu.
Et je tremble, comme un oiseau.
Jeux d’aujourd’hui
J’ouvre la porte qui livre
Passage à la rue
Un homme fait un pas
Mais au pas suivant il cesse d’être un homme
Il est une flaque de sang
La rue est une morgue
Les enfants sont des vers abandonnés parmi les ordures
Où s’en va ma petite voisine avec son sexe dans la main ?
Quelle est cette mer qui s’agite dans les berceaux
Quelle est cette pluie
Qui grimpe
Jusqu’au faîte des arbres ?
La faim a dévoré tous les chiens
Dans les parcs les bancs sont des panneaux publicitaires
Quel est ce ciel qui engendre des projectiles
Quelle est cette race qui se nourrit de chagrins ?
Les mots enroulés dans des linceuls
Les taureaux sans leurs femelles
Les collines avec la poitrine de chair vive
La musique devenue cirque et pierre noire
Tirs et courses
Explosions et veines éclatées
Un gosse pleure oublié dans une fosse
Le cimetière immense
La vie
Aveugle
Le soleil brille au crépuscule comme une étoile morte
Moi j’écris
Survivre ne vaut plus la peine
Dans les écoles les carreaux chantent
Ceux qui furent des enfants
Sont aujourd’hui des déchets enduits de fumier
Maison 6 (Casa 6)
Pour Rocio Bolaños, finalement
Personne ne frappe à la porte de ma maison
Les papillons entrent en silence
Dans une sorte de danse de femme émue
La pluie pénètre jusqu’aux racines des arbres
Parfois
Les enfants appuient sur la sonnette
Et s’enfuient
J’aimerais que quelqu’un
Un soir
-fuyant le monde-
Abatte la porte de ma maison
Il serait doux de partager
Une si âpre solitude
[1] Le Torogoz, oiseau national de El Salvador est un magnifique oiseau au plumage polychrome dont le nom est l’onomatopée du chant : « toro-goz, toro-goz »